Honte et culpabilité

Photo JJMagnan
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Il n'y a pas obligatoirement de lien entre les sentiments de honte et de culpabilité, si ce n'est le fait que les deux sont des sentiments dits « sociaux », dans le lien à l'autre, et qu'ils se combinent souvent d’une manière assez « harmonieuse ».

 

On peut avoir honte de son histoire, de son groupe d'appartenance, de ses ancêtres, honte de son corps, de ses désirs, honte de ses actes, de ses paroles, mais cela ne va pas engendrer obligatoirement de la culpabilité.


La culpabilité est un sentiment qui a été décrit dans beaucoup d’ouvrages et par beaucoup d’auteurs. Il s’exprime de façon visible dans la projection que la personne va réaliser sur l’autre (accusation sur l’autre) ou dans le jugement qu’elle va avoir sur elle (accusation sur soi). La culpabilité peut s’expliquer, entre autres, par un manque de sens par rapport à une sensation, une émotion. En effet, cette difficulté à donner du sens à un vécu émotionnel ou corporel, va provoquer chez la personne une angoisse liée à une incapacité à expliquer le « pourquoi du comment » et donc à pourvoir prévoir la prochaine fois où le vécu difficile va revenir ! Cet état de stress va demander une réponse en terme de responsabilité. Il faut que la personne trouve « un responsable », ce sera donc elle-même ou l’autre dans une logique où il vaut mieux s’accuser ou accuser l’autre d’être la cause du malaise, plutôt que d’affronter une logique de non sens source d’inquiétude, d’angoisse. Ce comportement est majoritairement issu de la petite enfance, au moment où la psyché ne peut appréhender la complexité de ce qui se passe autour d’elle. La culpabilité, plutôt que le non sens, est une réponse structurante. Ce comportement immature est toujours présent dans nos psychismes adultes où certaines parties de nous ont gardé des comportements que l’on peut qualifier d’infantiles.

 

Pour revenir à la honte, elle va générer de la culpabilité dans deux cas de figures :

  • Quand la personne se sent coupable d’entraîner l'autre dans sa détresse, lorsqu'elle ne peut plus rester silencieuse, qu'elle doit dire sa souffrance, son malheur. Ce mécanisme rend très difficile la confiance en l'autre, l'aide et autres processus de réparation. En effet, dire sa honte à quelqu'un, c'est le charger, fantasmatiquement, d'une responsabilité dont il peut se sentir coupable. C’est, toujours fantasmatiquement, le charger d’un fardeau qui ne lui appartient pas !
  • Quand la personne se sent démasquée. Elle va alors se sentir coupable envers elle-même de s'être trahi, de n'avoir pas été assez vigilante. Dans ce cas, on peut dire que les défenses pour masquer la honte sont mises en échec. La culpabilité va donc être le résultat de ce sentiment d’échec.

 

La culpabilité envers soi-même est un sentiment qui peut fabriquer une couche de honte supplémentaire. La culpabilité envers l’autre peut également fabriquer une couche de honte et une autre couche de culpabilité envers soi-même. Ces cercles vicieux interconnectés comportent de multiples couches de honte et de culpabilité, un peu comme un « mille-feuille amer et indigeste ». Ce « mille-feuille » est source d’une souffrance de type multi-traumatisme pour laquelle les causes multiples seront complexes à identifier.

La culpabilité peut donc générer de la honte quand celle-ci vient rencontrer un jugement interne qui dit « tu ne devrais pas te sentir coupable », « tu n'es pas digne de l'image que tu as de toi, de ton amour-propre ».

 

Pour finir, il me semble important de noter que La honte, comme la culpabilité, sont deux sentiments qui sont nécessaires à l'évolution sociale « normale » d'un individu. C'est « le trop » de honte, de culpabilité, qui propulse la personne dans l'univers du silence et du déni. C’est « le trop peu » qui génère un manque d’empathie, une condescendance difficile à vivre. La honte et la culpabilité apprennent donc à se mettre à la place de l’autre, à ressentir e qu’il ressent, à le rencontrer dans son humanité, dans sa fragilité. Ce sont des sentiments qui sont structurants de notre psyché et fondateurs de notre relation aux autres.

 

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